Un cigare nous donne le temps infini.

Impossible d’idéer un concept, ou son absence, à la place d’un autre ou de son absence, un cigare VILLIGER SAN’DORO COLORADO ROBUSTO entre les dents (ou les doigts).
Possible ébauche d’un texte sur une gravité alternative et le néo-exotisme dans mes tableaux-cigare (somnifères et autres habbbitudes)
Des structures spiralées peuvent-elles entrer en rotation sans finir par éclater ? L’essence artistique de l’art plastique ne repose sur aucune composante naturelle ni substance culturelle. « Conséquence de mes erreurs, commises ou évitées ? Technologie, produit factice du bon sens ? Absence d’humour (sauf pour se moquer de, ou pleurer sur, la chute d’autrui) ? Comment les choses ont-elles pu se désaxer ? » Silence/méditation en suivant des yeux les volutes d’un cigare. (Le guide du voyageur galactique – Douglas Adams). Par bonheur, nous avons ce savoir crucial, qu’il n’existe pas de mode d’emploi pour le vaisseau-terre.
Un processus d’égalisation visant à installer une différence (exotique) met à mal les principes d’équivalence et de différenciation dans une société, comme si la situation actuelle était devenue un évidement qui se cherche sans arrêt. Dans cette évolution, une logique trop calculée et trop rationnelle semble naître de l’émotivité, considérée comme superstition à côté de la foi (ou du vide de foi), dépassée même comme image. Mais laissons là la cosmogonie du non-sens. Car la réalité est affaire d’élection. Ne sommes-nous pas tous en quête de désespérance ? Un cigare nous donne le temps infini. Des choses se passent, d’autres non. Car personne ne peut accéder à la subjectivité de l’autre.
En d’autres mots, nous avons « fait de la culture » un peu comme on lève un gibier. Pour éviter d’enfoncer encore et toujours le même clou. L’œuvre d’art (et notre rapport à elle) nous transmet indirectement la tension qui repose sur son essence artistique. (Un point de référence ?). Si on enlève à la représentation son pouvoir d’abstraction et de construction d’un imaginaire sensible, donc si on évince l’imagination au sens intelligent, l’intelligence artistique de l’œuvre se dilue, et cette dernière se réduit à une image, à une représentation (d’un rêve, parfois), voire à une métaphore ou une allégorie. Cette intelligence artistique de l’œuvre ou de notre rapport à elle est alors perdue à jamais, en ce sens qu’elle ne pourra y être introduite ou projetée à posteriori : il est impossible de former un concept à partir du néant. Car aucun vécu n’est unique. Autre découverte bouleversante, celle de notre responsabilité, en tant qu’humanité, des changements qui affectent notre vieille planète. L’être qui manque de personnalité ne peut guider sa vie selon la per-subversion de l’œuvre, qui ne peut d’ailleurs la distiller.
Je suggère par là que ce qu’une culture qualifie de prétentieux ou d’arrogant n’est qu’un simple élément, somme toute normal, de civilisation. Un cigare n’est qu’un cigare, après tout. Mouvement héroïque !
Je souligne ainsi ma situation d’artiste, et démontre que notre société culturalisée enferme l’abstraction dans un carcan soit local, soit mondialiste. Je perçois clairement ici l’absence de partialité, l’abandon de l’effort de sauvegarde de la normalité (donc du sublime). Le travail de Fred Michiels est critique et plein d’humour ; le concept même de culturalisation, qui vient miner l’intelligence artistique de la représentation (et notre rapport à elle), non seulement au regard de l’histoire de l’art mais aussi au sens absolu et total, ne peut-il être compris comme l’expression d’un désarroi et une quête archaïque, primitive, de réconfort ? Hypothèse purement affective, pensée un cigare entre les doigts. (= ce qui s’est conformé au thème).
Pourtant, les œuvres récentes de Fred Michiels démontrent que l’abstraction et la donnée constructive d’une représentation peuvent se construire à partir du rapport d’intelligence artistique avec une extériorité ou une création de forme ; dans ce processus, l’image peut être reconnue, dans les deux sens du terme, à la fois comme bi-moderniste et comme œuvre de (post) pop-art. Par ce chemin, la précarité de l’œuvre d’intelligence artistique apparaît avec le plus grand fruit. (Vite, allumons un autre cigare). Apparaît aussi un trop-plein d’humour, d’érotisme, d’éthique et de pratique de la connaissance qui sont tous, en plus, l’aboutissement d’une évolution personnelle. La réalité est affaire d’élection (avec un cigare Ramon Allones Specially Selected).


Hélène Keufgens, Waterloo 2017